J’ai parlé à plusieurs reprises de systèmes de prises de vues immersives (Google Street View, earthmine) ou de plateformes pour les consulter (Google StreetView, Mappy, mode chaussée chez Here, etc.) . Ces solutions sont très souvent commerciales et les données ne sont pas libres. En outre, certaines zones du monde ne sont pas couvertes par ces services.
L’idée, à l’instar d’OpenStreetMap, c’est de concevoir un StreetView libre. Quelques tentatives ont été menées, comme OpenStreetView (devenu OpenPathView) mais elles sont restées assez infructueuses.
La problématique venait aussi du matériel : difficile de réaliser des panoramas 360° géoréférencés et correctement orientés à la chaine. Quelques prototypes ont été produits, mais sans être largement diffusés pour du crowdsourcing en raison du coût.
Deux problématiques donc :
- la plateforme, qui doit être capable de stocker un grand nombre de données, les gérer, les assembler, etc.
- le matériel, qui doit permettre de prendre instantanément un panorama de 360° par 180° en haute résolution, avec des données de géoréférencement (capteur GNSS) et d’orientation (boussole).
Le matériel
Aujourd’hui, beaucoup de monde dispose d’un appareil photo numérique, qu’il soit une simple DSLR, un reflex, un capteur photo embarqué dans un smartphone, une caméra, etc.
Demain, c’est un nouveau type de caméra qui viendra côtoyer les fameuses caméras d’action. Il s’agit des caméras à plusieurs optiques, permettant de réaliser des photos sphériques (panoramas complets) ou des vidéos à 360*180°
Certaines sont déjà commercialisées :
– la caméra Ricoh Theta M15
– la caméra Kodak sp360
d’autres sont en passe de l’être :
– la Giroptic 360cam
– la Bublcam
– quelque chose en préparation chez GoPro depuis le rachat du français Kolor, spécialiste des assemblages de panoramas … ?

La plus prometteuse pour l’instant reste la caméra française, la 360cam de Giroptic (racheté par la marque Géonaute de Décathlon ?) puisqu’elle intègrera une connexion wifi, un capteur GNSS (GPS) et un gyroscope. Le tout pour moins de 500€, ce qui reste abordable pour un particulier passionné ou une association voulant promouvoir les données libres par exemple. Embarquée sur un marcheur, sur le casque d’un cycliste ou le toit de votre voiture, elle permet de disposer d’un équivalent low-cost aux systèmes professionnels de mobile mapping.
L’export dans Youtube 360 ou Google StreetView sera immédiat.
Il n’en reste pas moins que produire des données en masse c’est bien beau, mais il faut les trier, les stocker et les rendre accessibles. C’est là que Mapillary vient à notre aide.
La plateforme Mapillary
Mapillary est un service de stockage, de traitement automatique et de diffusion des images géolocalisées créé par une startup du même nom à Malmö en Suède en 2014. Cette startup est notamment financée par le groupe Sequoia, avec un apport de fonds de 1,5 million de dollars en janvier 2015.
Comme il s’agit de crowdsourcing, les données brutes sont sous licence Creative Commons. Le projet est intimement lié à OpenStreetMap.
La startup entend fonctionner en commercialisant l’usage commercial des données traitées.
Acquisition des données
Afin d’être rapidement alimentée en données, une application gratuite a été portée pour les OS de smartphones/tablettes sur les plus grands marketplaces : sur l’App Store pour iOS, sur Google Play, sur Amazon Apps et Windows Store.
En effet, en attendant l’avènement des caméras sphériques, les photos de simples smartphones sont déjà intéressantes. Elles sont acquises via l’application Mapillary manuellement ou automatiquement (pour une acquisition à vélo ou en voiture) avec les informations de localisation et d’orientation.
J’ai réalisé le test en voiture, en plaçant le smartphone derrière mon pare-brise . Il est assez difficile de produire des images de qualité :
– présence d’éléments du tableau de bord dans le champ
– présence de reflets
– images floues en raison de vibrations sur routes dégradées
– contrejours mal gérés

Envoi et traitement
Depuis l’application, l’envoi vers les serveurs se fait automatiquement dès qu’une connexion wifi est disponible.
Si l’acquisition des images est effectuée depuis un appareil photo ou autre caméra (comme la caméra Ricoh Theta M15) l’envoi des données se fait sur le site web de Mapillary.
Mapillary s’appuie sur les données d’OpenStreetMap. En retour, elle met ses services à disposition pour par exemple, mettre facilement à jour la signalisation routière dans JOSM.
À réception des données, un floutage des visages et plaques d’immatriculation est automatiquement effectué. Il y a également une reconnaissance automatique des panneaux de signalisation basiques. Il est possible de revenir dessus en floutant d’autres éléments ou en enlevant le flou sur des éléments mal reconnus, ou en corrigeant les éléments erronés.
La seconde étape du traitement est intéressante et pleine de promesses.
En premier lieu, lorsque les images sont de bonne qualité, on remarque un effet de fondu-enchainé lorsque l’on passe d’une image à une autre. Les détails homologues entre images sont appairés pour générer cet effet de fondu.
En second lieu, au fur et à mesure des passages par les contributeurs, notamment dans les zones très fréquentées, les images s’accumulent. Sur les zones où les images sont surabondantes, il devient possible d’effectuer un traitement photogrammétrique. Résultat : on peut commencer à modéliser les rues en 3D ! C’est le projet qui est en cours de développement.
A short view of the new edit capabilities in Mapillary from Mapillary on Vimeo.
Rendu
Voici le rendu de mon premier test sur la plateforme.
Limites
Pour l’instant, il faut bien avouer que ce système ne remplacera pas le fameux Google SteetView pour le grand public, sans commune mesure en termes de qualité et de couverture. Mais à l’instar d’OpenStreetMap dans certains pays, Mapillary pourrait offrir une couverture là où Google est absent, notamment en raison de la législation ou des problèmes politiques.
N’oublions pas que Google StreetView est toujours interdit en Allemagne, ou que des autorisations ou déclarations sont nécessaires dans certains pays …